
Imaginez. Depuis la ligne 11, vous passez de Châtelet, au centre de Paris, à votre appartement flambant neuf de Rosny-sous-Bois en vingt-quatre minutes ou vous ralliez votre pavillon romainvillois en seulement dix-huit minutes. Un rêve pas loin d’être une réalité pour des milliers de Franciliens dès la fin de 2022. Le prolongement de la ligne traversera une bonne partie de l’est de la Seine-Saint-Denis, avec six nouvelles stations de métro.
Le projet ne date pas d’hier : « Nous avons trouvé dans les archives de la municipalité des délibérés de la première moitié du XXe siècle demandant déjà le prolongement de la ligne 11 jusqu’à Romainville », rappelle, amusée, la maire de la ville, Corinne Valls (Mouvement de la gauche citoyenne).
L’arrivée prochaine des transports en commun va désenclaver ces communes de l’Est parisien. Une information qui n’a pas échappé… aux Parisiens. Les agences immobilières de cette partie de la Seine-Saint-Denis sont unanimes. Elles constatent ces quatre dernières années un afflux massif d’ex-locataires des 20e et 19e arrondissements et désormais l’arrivée d’habitants des arrondissements centraux. « Toute une population de cadres et d’ouvriers achète aujourd’hui, car les prix sont encore abordables, avec un m² souvent inférieur à 4 000 euros », constate Michel Platero, président de la Fnaim du Grand Paris.
Coup de chaud sur les prix
A en croire les agents immobiliers, les prix s’en ressentent. Installée depuis une dizaine d’années à Romainville, Anne Desgranges, gérante de l’agence Alexan Immobilier, n’en revient pas : « Nous vendons des propriétés de 120 m², qui nécessitent au moins 100 000 euros de travaux, à 480 000 euros sans aucun problème. Il y a encore dix ans, ce genre de biens ne serait pas parti à plus de 350 000 euros, et c’est pareil pour les appartements. » Seuls les logements des immeubles des années 1970 semblent encore délaissés par les acquéreurs.
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Et, lorsque les prix ne montent pas en flèche, ce sont les délais de vente qui chutent : « Il y a encore deux ans, les biens situés près du quartier Boissière mettaient quatre mois à se vendre. Aujourd’hui, les délais se sont contractés à seulement un mois et demi », confie Grégory Franck, négociateur pour l’agence Guy Hoquet Rosny-sous-Bois.
A Montreuil et aux Lilas, la dynamique sur les prix, du fait de la connexion au métro, est engagée depuis bien longtemps. « Nous commençons même à voir des petites surfaces se vendre à 10 000 euros par m² », confie Laurent Balestra, directeur de l’agence Aura Immobilier, aux Lilas.
Les pouvoirs publics sur le qui-vive
Le coup de chaud sur les prix touche aussi l’immobilier neuf. Les promoteurs cherchent du foncier constructible près d’une des futures gares de la ligne 11. « Si 70 % des ventes se font au profit de personnes qui achètent pour habiter, un contingent important d’investisseurs particuliers est déterminé à acquérir une petite surface aujourd’hui pour la vendre plus tard ou la mettre en location sur du très long terme », assure Helen Romano, directrice générale déléguée de l’immobilier résidentiel chez Nexity.
Ces nouvelles constructions ne sont pas sans impact sur le visage des villes. Alertés par les citoyens, les pouvoirs publics ont, dans certaines communes, pris des mesures visant à encadrer la construction ou les prix dans le neuf. C’est le cas à Montreuil, où la modification du plan local d’urbanisme (PLU) va permettre de limiter en mai prochain à 600 logements par an le nombre de nouvelles opérations.
« Le PLU voté par la précédente administration en 2012 était bien trop permissif, juge Gaylord Le Chequer, adjoint au maire délégué à l’urbanisme. Il a laissé les promoteurs mener à bien des projets parfois trop imposants en matière de hauteurs et de gabarits, au risque de dénaturer certains quartiers. » La ville a par ailleurs instauré dès 2015 une Charte de la construction durable, signée par les promoteurs, pour que les prix de sortie des nouveaux logements ne dépassent pas un certain montant. Il sera fixé en fonction des quartiers. Sur la Zac Acacia, du quartier Boissière, il est par exemple plafonné à 3 900 euros le m2.
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Si aux Lilas, comme à Rosny-sous-Bois, la création d’une telle réglementation n’est pas à l’étude, Romainville a également sa charte sur les prix du neuf depuis 2012. Professionnels et édiles s’accordent toutefois sur la formidable opportunité économique que représente le prolongement de la ligne 11. « Nous allons attirer des entreprises. On peut imaginer qu’à l’avenir nos administrés n’auront plus besoin d’aller à Paris pour se rendre au travail », prédit le maire de Rosny-sous-Bois, Claude Capillon (Union rosnéenne d’action municipale). Un rêve pas loin de se réaliser ?