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Développement économique: La sonnette d’alarme du CESE

Posté par Sophia le 2019-12-09
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Pour Chami, «la faiblesse de la compétitivité de l’entreprise nationale est au niveau de l’encadrement et la qualification des salariés, ou encore le financement en fonds propres et emprunts des banques» (Ph YSA)

Ahmed Réda Chami (ARC), le président du Conseil économique social et environnemental (CESE) qui intervenait, mercredi dernier au «Fès-Meknès Economic Forum», en présence de Saâdeddine El Othmani, chef du gouvernement, et d’un parterre économique (dont 250 participants venant de 30 pays) n’a pas mâché ses mots en décortiquant les dysfonctionnements du modèle de développement «qui a atteint ses limites». Chami a saisi cette occasion, non seulement pour faire le diagnostic d’une économie en lambeaux, mais aussi pour proposer quelques pistes pour doper la croissance, créer la richesse et l’emploi, et redonner confiance aux citoyens. Décryptage. 

■ Des progrès notoires mais beaucoup de chemin à faire
Une demi-heure a suffi à ARC pour dresser un bilan sur la situation économique et le climat des affaires au Maroc et soumettre des recommandations aux chef de l’exécutif, responsables territoriaux et élus. Regard tendu et ton ferme, Chami a d’abord égrené les succès réalisés par le Maroc (métiers mondiaux, particulièrement l’automobile et l’aéronautique, flux en nette augmentation des IDE, chantiers structurants (ports, routes, autoroutes)…) émaillés d’exemples parlants comme le classement du Maroc dans l’indice de connectivité des transports maritimes réguliers LSCI-Liner Shipping Connectivity Index), qui est passé de la 81e  place en 2006 à la 16e en 2018. «Renault ne serait pas venu s’il n’y avait pas le port TangerMed…», rappelle l’ancien ministre de l’Industrie.

■ Croissance cahin-caha
1er investisseur africain en Afrique de l’Ouest et 2e investisseur dans toute l’Afrique, le Maroc est ouvert sur un marché potentiel d’un milliard de consommateurs. Et pour les conquérir, «il faut équilibrer certains de nos accords de libre-échange», conseille l’ex ministre de l’industrie.
L’ouverture sur l’Afrique fait partie des déterminants de la croissance, qui ne pourra s’opérer qu’avec un nouveau modèle de développement économique (MDE), «l’actuel ayant atteint ses limites». L’ambition est d’atteindre la tranche des pays à revenu intermédiaire, c’est-à-dire à 10.000 dollars/an/ habitant, au lieu des 3.400 dollars actuels. Et le chemin est encore long. La bonne nouvelle, c’est que le revenu par tête d’habitant a doublé entre 1999 et 2019. La mauvaise, c’est que le Maroc enregistre un faible niveau de croissance. Entre 1999 et 2018, ce niveau était de 4%, de 4,8% pour la période 2007 à 2011, et de 3,6% entre 2008 et 2018. «Cela signifie que le seuil des 3%, a pu être dépassé pour atteindre les 5%, avant de rechuter en deçà», souligne-t-il incitant à chercher de nouveaux mécanismes pour accélérer cette croissance.

■ Toujours tributaire d’une agriculture volatile par essence
Le pays n’arrive pas à augmenter son taux de croissance, car celle-ci reste tributaire d’une agriculture, par essence, volatile et à faible valeur ajoutée. «Nous constatons une tertiarisation impressionnante de cette économie, puisque 57% du PIB proviennent du secteur tertiaire. L’industrie n’y représente que 17,5 %. Il faut redresser la composition du PIB», explique Chami. A ce constat s’ajoute un tissu industriel et productif qui manque de tonus, opérant principalement dans des filières à faible valeur ajoutée, tels que le commerce ou l’immobilier, alors que l’industrie et les TIC ne représentent que 14% des entreprises. Le Maroc doit redensifier ce secteur, à travers la CCG, qui ne finance pour l’instant que 30.000 entreprises sur un million «et c’est trop peu». Sans oublier que la part de l’informel demeure importante. Autre indicateur: «En 2017, le Maroc comptait 6.300 entreprises exportatrices, alors qu’à la même époque la Turquie en affichait 58.000», déplore Chami regrettant «la faiblesse de la compétitivité de l’entreprise nationale au niveau de l’encadrement et la qualification des salariés, ou encore le financement en fonds propres et emprunts des banques». D’où son appel à redoubler d’efforts grâce à l’apport de la CCG.

■ Généraliser le programme «Inmae», industrie 4.0, sinon pertes d’emplois en rafale
La croissance du PIB s’est faite par accumulation de capitaux physiques et humains, très peu par la productivité qui dans certains cas a même reculé, souligne l’ex-ministre. Pour y remédier, il faut généraliser le programme «Inmae» qui devrait booster la productivité des entreprises, améliorer leurs outputs de 40%, et réduire ses taux de chutes de 40 à 50%. A noter que plus de 200 entreprises en ont déjà bénéficié «et toutes ont vu une amélioration considérable de leur productivité». Par ailleurs, les perspectives d’adaptation à l’industrie 4.0 sont peu prometteuses. Ceci, alors que le monde est en pleine mutation, et s’il n’ y a pas une véritable stratégie pour incorporer la robotisation et l’intelligence artificielle, la perte d’emplois serait beaucoup plus importante que sa création. Surtout pour les «middle skills», ces personnes aux compétences moyennes, qui seront les plus touchées.

■ Ce n’est pas l’heure de dévaluer
Le diagnostic étant établi, ARC a émis des propositions concernant 10 déterminants de la croissance. «Oui, nous avons un leadership pro-développement, une stabilité macro-économique à préserver, un secteur financier développé, des infrastructures développées, une ouverture sur l’extérieur, une politique industrielle, un taux d’investissement important (32 à 34% du PIB), et un taux de change compétitif–bien qu’en fait celui-ci est subventionné par les devises des MRE ce qui biaise un peu le jeu, mais il est déconseillé de dévaluer pour éviter des conséquences sur nos importations énergétiques, d’équipements et autres».

■ Education et formation des enseignants en tête des priorités  
En revanche, notre capital humain n’est pas mobilisable, et nous ne sommes pas sur la bonne voie dans ce domaine. La Banque mondiale vient de nous le rappeler puisque «2/3 de nos enfants qui sortent du primaire sont analphabètes». Autre mauvaise nouvelle, les tests PISA 2018 qui mesurent le niveau des élèves dans les mathématiques et les sciences classent le Maroc parmi les 5 derniers pays, sans compter un taux de perdition de 40%. A ce titre, l’éducation et surtout la formation des enseignants doivent être en tête des priorités. «Et ce, en intégrant les technologies de l’information», conseille le président du CESE. 

■ Rompre avec l’économie de rente et les privilèges
«Monter en grade dans le «Doing business» n’est qu’une composante, parmi d’autres, dans l’environnement des affaires», corrige Chami. «Pour assainir le climat, il faut absolument arrêter avec l’économie de rente et de privilèges», martèle-t-il rappelant au passage que cette amélioration dépend aussi de la concurrence, des secteurs protégés, et de la lutte contre la corruption. «D’où l’importance de l’instance dont on attend toujours la loi», déplore ARC évoquant aussi «la lourdeur administrative, le soutien insuffisant, dispersé et confus aux PME». Ces maux freinent l’émergence d’une nouvelle classe d’entrepreneurs qui peuvent créer de la richesse, et innover. «Il faut libérer les énergies en levant les entraves légales qui handicapent l’acte d’entreprendre». En ce sens, le CESE préconise «la suppression de toutes les autorisations qui concernent l’investissement, hormis celles qui pourraient toucher à la sécurité des biens et des personnes». Ces autorisations doivent être remplacées par des cahiers des charges préétablis. En plus, il faut soutenir massivement les entrepreneurs au niveau local en créant 30.000 PME en 5 ans, et plus de 100.000 TPME sur la même période. «Et c’est absolument faisable», dit Chami pour qui «la densification du tissu productif permettrait d’atteindre les 10.000 dollars de revenu individuel. «Encourager l’innovation et soutenir la PME, durant tout son cycle de vie, par des subventions, des garanties, des fonds…ne sont pas en reste», propose Chami.

Y.S.A

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