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Il vend une maison en dissimulant ses fissures

Posté par Sophia le 2018-02-15
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En 2007, Pascal Y vend aux époux X sa maison, située à Vierzon (Cher), au prix de 98 000 euros. Le compromis de vente contient la mention suivante : « Les acquéreurs ont pris connaissance que cette maison a subi un sinistre relatif à des fissures, que ce sinistre a été réparé, et que le dossier est clôturé sans aucun recours, ce qu’acceptent les acquéreurs ici présents. »
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Dans l’acte de vente du 20 juillet 2007, Pascal Y indique qu’il a « fait réaliser des travaux de renforcement des fondations par l’entreprise VH », et joint une copie de la facture, de 5 380 euros.

Peu après, les époux X sont confrontés à toutes sortes de désordres : fissures, bombement des murs, crevasses, jours entre les différents éléments constituant la bâtiment, défaut de fermeture de la porte d’entrée, fissuration de l’enduit extérieur. Leur facture de chauffage grimpe. Ils doivent déménager.
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Vice caché

Les époux X obtiennent la désignation d’un expert, le 11 février 2010. Celui-ci dépose son rapport le 7 janvier 2012, et conclut que la maison est affectée de désordres imposant sa démolition et sa reconstruction, car les travaux réalisés étaient insuffisants pour conforter les fondations.

Le 26 juin 2012, les époux X assignent Pascal Y, sur le fondement de l’articles 1641 du code civil. Celui-ci énonce : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. »

Ils demandent au tribunal de juger que la maison est affectée d’un vice caché que le vendeur ne pouvait méconnaître. Le tribunal de grande instance de Bourges, qui statue le 13 mai 2015, puis  la cour d’appel de Bourges, qui statue le 21 juillet 2016, jugent que leur action est fondée.
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Enduit sur les fissures

En effet, les X n’ont pas eu connaissance d’un jugement du 25 septembre 1997, qui, en raison des fissures existantes, ordonnait « soit la réalisation d’importants travaux confortatifs et de remise en état évalués à 461.782 francs, soit la démolition et la reconstruction de la maison pour un coût de 544.454 francs ». Le jugement précisait en outre que la maison ne disposait pas de certificat de conformité, du fait que son implantation non réglementaire par rapport à la limite séparative (2,20 mètres au lieu de 3 mètres). Il concluait qu’il valait mieux la démolir et la reconstruire.

Pascal Y, lui,  avait bien trouvé ce jugement en annexe à son acte de vente, le 4 juillet 2000. Mais il ne l’a pas transmis aux Y. Les magistrats jugent qu’il ne peut se retrancher derrière la clause d’exclusion de garantie, dans la mesure où il connaissait l’existence du vice atteignant les fondations de la maison, et qu’il en a dissimulé les conséquences, en mettant de l’enduit sur les fissures pour les masquer.
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Action « estimatoire »

L’acheteur qui invoque le vice caché a, en vertu de l’article 1644 du code civil, « le  choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix » (action rédhibitoire), ou « de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix » (action estimatoire). Les époux X indiquent qu’ils choisissent de garder la maison.

Mais qu’ils souhaitent « se faire indemniser des conséquences du vice caché ».  Ils soutiennent qu’en application des dispositions de l’article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait l’existence du vice lors de la vente, il est tenu, outre la restitution du prix, de « tous dommages et intérêts envers l’acheteur » .

La cour d’appel de Bourges condamne Pascal Y à restituer une partie du prix reçu (correspondant au coût d’acquisition de la maison hors terrain), de 60 000 euros; mais aussi, en vertu de l’article 1645 du code civil, à les indemniser du coût de la démolition de la maison et du coût de la reconstruction (144 853 euros); ainsi que des préjudices annexes, tels que dépenses de chauffage, de déménagement, et trouble de jouissance (33 438 euros). Donc à payer un total de 238 291 euros.
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Fautes du notaire et de l’agent 

Le tribunal, puis la cour d’appel, jugent toutefois que la responsabilité du notaire, (assigné par les acheteurs), est engagée, vis-à-vis des époux X, du fait qu’il a omis de joindre à l’acte de vente le jugement du 25 septembre 1997, dont il avait connaissance, puisque son acte y fait référence; ce jugement lui aurait permis d’informer les acquéreurs du fait qu’il fallait démolir et reconstruire la maison; et de contredire l’affirmation du vendeur, selon laquelle les désordres avaient été réparés. Pour la cour, « le notaire a méconnu ses obligations d’efficacité juridique, d’information et de conseil ». Cette faute, « distincte de celle du vendeur », doit être considérée comme ayant produit le dommage à concurrence de 10 %, juge-t-elle.

Les magistrats mettent aussi en cause la responsabilité de la société Marc Immobilier (appelée en garantie par le notaire) : elle aurait dû solliciter du vendeur plus d’informations. Sa faute doit être considérée comme ayant produit le dommage à concurrence de 10%.

La cour d’appel en conclut que le notaire et l’agent immobilier devront supporter chacun 10% de l’indemnisation versée par le vendeur. 
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Mécanisme de réduction du prix 

Le vendeur, le notaire et l’agence immobilière se pourvoient en cassation. Le vendeur conteste devoir la somme de 238 291 euros. Il estime que la restitution de 60% du prix de la vente suffisait à « compenser »  la perte de valeur ou d’utilité de la maison. Il soutient que la cour d’appel a indemnisé les époux « au-delà du préjudice subi », en leur octroyant, en outre, des sommes correspondant aux prix de démolition et de reconstruction à neuf de cette même maison.

La Cour lui donne raison, le 14 décembre 2017, et censure l’arrêt sur ce point. En effet, comme l’expliquent les éditions Dalloz, « les juges du fond ont confondu le mécanisme de l’indemnisation [du coût des travaux] et celui de la réduction du prix […] Dans le cadre d’une action estimatoire, la diminution du prix doit correspondre à la seule différence entre la valeur de la chose entachée du vice et le prix payé par l’acheteur dans l’ignorance du vice, à l’exclusion du coût des travaux nécessaires pour remédier au vice ».

Les juges d’appel ont « placé les acheteurs dans une situation plus favorable que celle qui aurait été la leur si la chose n’avait pas été atteinte du vice », et ainsi « violé le principe de la réparation intégrale du préjudice ».
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Préjudice non indemnisable

Le notaire et la société Marc Immobilier contestent leur responsabilité. Ils font valoir en outre qu’ils n’auraient pas dû être condamnés à supporter chacun 10% de la somme due par Pascal Y, cette somme incluent 60 000 euros, au titre de la réduction du prix de vente. Or, la restitution à laquelle le vendeur est condamné, en conséquence d’une action estimatoire, « ne constitue pas un préjudice indemnisable », ouvrant droit à réparation.

La Cour de cassation confirme que leur responsabilité est engagée vis-à-vis des époux X. Mais elle censure l’arrêt, sur l’étendue des réparations,. Comme l’indiquent les Editions Francis Lefebvre, « l’existence d’une faute commise par le notaire ne suffit pas à entraîner sa condamnation. Il faut qu’il en résulte un préjudice. Il a déjà été jugé que la restitution à laquelle le vendeur est condamné à la suite de l’annulation d’une vente ne constitue pas par elle-même un préjudice indemnisable (Cass. 1e civ. 18-1-2005 n° 03-12.713 à propos de la nullité d’une vente pour vice de propriété). La Cour de cassation applique ce raisonnement, pour la première fois à notre connaissance, à l’action estimatoire ».

Un nouveau procès aura lieu devant la cour d’appel de Lyon. Plus de dix ans après l’achat de la maison, les époux X seront-ils enfin fixés sur leur sort ?

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